Lorsqu’on parle de cancer, beaucoup pensent immédiatement “douleur”. C’est loin d’être la règle. En tant que tel, un cancer est rarement douloureux, mais des douleurs peuvent être causées par l’envahissement ou la compression d’organes, de vaisseaux ou de nerfs.
De nombreuses possibilités de traitement existent, de l’aspirine à la morphine (correctement utilisée, c’est un excellent médicament), en passant par des chimiothérapies ou radiothérapies palliatives (destinées à soulager le patient sans chercher à le guérir).
Pour être pleinement efficaces, ces traitements doivent être administrés sous contrôle médical et suivis scrupuleusement par le patient, par exemple en respectant les doses de médicaments antidouleur prescrites.
En médecine générale, l’amélioration des traitements contre la douleur et la prise en charge de la fin de vie ont bouleversé la pratique des médecins ainsi que le vécu des malades. Écoutons les propos du Dr Michel Vanhalewyn, médecin généraliste à Bruxelles (Société scientifique de Médecine générale), qui a vécu cette évolution du traitement de la douleur de près.
"Tout a commencé dans les années '80, avec l’émergence des soins palliatifs en Belgique. Ils ont ouvert les portes vers une autre pratique de la médecine générale où on apprenait à mieux gérer une double responsabilité: celle qui résulte des soins globaux – médicaux, psychologiques, sociaux ou spirituels - mais, aussi, des soins aigus pour lesquels une hospitalisation n’est plus décidée d’office, grâce à une approche et à un travail interdisciplinaire."
"Franchement, les médecins des années '80 n’avaient pas été formés pour assurer ce rôle. Beaucoup d’entre nous ont suivi le projet Rampe (Réseau d’aide médicale palliative extra-muros), une formation qui s’est étalée sur trois ans. Nous y abordions la douleur, la dyspnée (difficultés respiratoires), les escarres, les problèmes digestifs, les troubles de la conscience. Mais aussi les problèmes biomédicaux, psychologiques, sociaux et spirituels."
"Nous avons découvert l’importance d’une approche interdisciplinaire. De vraies collaborations avec des infirmières spécialisées en soins palliatifs ayant des compétences qui n’étaient pas les nôtres, et n’avaient pas à l’être, ont pu naître à partir de ce moment-là. Les règles du jeu – c’est-à-dire le rôle, la responsabilité et les limites de chacun face au malade et à sa famille - ont été définies. C’est aussi ainsi qu’en collaboration avec les experts locaux, les spécialistes de la douleur, les oncologues spécialisés dans les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie et les autres soignants, le concept d’hospitalisation à domicile d’une personne souffrant d’un cancer a pu se développer."
Au fil des années, l'approche médicamenteuse a été affinée. "Ces médicaments doivent être donnés à bon escient et parfois retirés, plutôt qu’ajoutés", estime le Dr Vanhalewyn, "Les douleurs chroniques restent difficiles à vaincre. La seule optique biomédicale a souvent démontré son impuissance. Raison pour laquelle l’approche bio-psycho-sociale et comportementale s’est ajoutée aux traitements. Elle aide à briser le cercle vicieux où risque de tomber la personne qui souffre depuis longtemps, créant une situation où la douleur est entretenue et où cette dernière nourrit la désadaptation et/ou la dépression."
Depuis les années '80, la maîtrise des douleurs aiguës a énormément progressé sur le plan thérapeutique. Les patients bénéficient actuellement de soins curatifs et palliatifs plus poussés qui leur permettent de vivre plus longtemps avec une relativement "bonne" qualité de vie.
Dr Vanhalewyn: "La majorité de ces problèmes sont désormais bien contrôlés, mais nous ne les avons pas vaincus à 100 %. Peu à peu, la règle de 70 % de décès à l’hôpital et 30 % à domicile se corrige. Nous avons intégré le risque de survenue d’une situation aiguë venant se greffer à la maladie chronique. Mieux encore, nous l’anticipons, car cela fait partie de notre travail de prévention. Un protocole de détresse permet d'avoir la prescription adéquate face à une douleur, une difficulté respiratoire ou une autre situation aiguë devenant incontrôlable. Ou encore, il prévoit l’accessibilité rapide à des médications adaptées qui, associées à des gestes adéquats, aidera, par exemple, à tarir une hémorragie chez un malade souffrant d’un cancer de la face. Sans hospitalisation en urgence."
Depuis quinze ans, les formations aux soins palliatifs font partie des formations continues régulières et de la formation de base des futurs médecins. Elles deviennent aussi des critères de qualité des maisons de repos. Pour un généraliste, l’idée de sortir de son isolement et de travailler avec une équipe de soutien a fait son chemin. L’écoute du patient, le temps pris à entendre ses besoins et ses attentes, sans être interrompu par un docteur qui manque de temps ou qui estime que tel ou tel point est sans importance, ont progressé… Les soins de la douleur, l’approche de la fin de vie ont changé les médecins.
Palliatif… le mot vient du latin "pallium" et désigne un manteau, celui qui protège… Lorsqu’une personne est atteinte d’une maladie grave, évolutive, susceptible de mener à une issue fatale ou déjà à son stade terminal, les soins palliatifs prennent tout leur sens. Ils sont destinés à soulager les douleurs physiques et tout autre symptôme, tout en prenant en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle. Dans cet accompagnement global du malade et de son entourage, l’objectif consiste à atteindre la meilleure qualité de vie possible, tout en tentant de conserver, au maximum, l’autonomie du patient.