Découverte d’une enzyme clé dans l’autophagie cellulaire

Autophagie cellulaireJeudi, 22 Septembre 2016

Pour survivre, la cellule cancéreuse peut aller jusqu’à se manger elle-même (autophagie). L’équipe du Pr Pierre Sonveaux (UCL), soutenu notamment par la Fondation contre le Cancer, vient de découvrir comment bloquer ce mécanisme avec précision. Ces résultats, ont récemment été publiés dans la prestigieuse revue Cancer Cell.

Commentaire de la Fondation contre le Cancer

Un des mécanismes d’adaptation

« A l’UCL, notre laboratoire s’intéresse aux différents mécanismes d’adaptation que les cellules cancéreuses peuvent développer pour poursuivre le processus cancéreux. Ces stratégies d’adaptation sont de différents types, explique Pierre Sonveaux. Une première stratégie est « l’autophagie ». Cela signifie que la cellule peut se nourrir de sa propre substance, en d’autres termes elle se mange elle-même. Une deuxième possibilité est la coopération avec d’autres types cellulaires, afin de permettre aux cellules cancéreuses de s’échapper de la tumeur initiale (formation de métastases). Une troisième option consiste en une hibernation : après avoir retrouvé des conditions favorables, le processus cancéreux peut se relancer et être à l’origine d’une rechute, plusieurs mois, voire plusieurs années après la fin des traitements du cancer initial ».

Enzyme clé pour l’autophagie

L’équipe du Pr Sonveaux étudiait les collaborations entre les cellules cancéreuses quand ils ont fait une découverte de taille : « On savait que l’enzyme lactate déshydrogénase B (LDHB) est importante pour que les cellules puissent collaborer entre elles. Nous avons alors tenté de la bloquer et là, nous avons découvert que les cellules tumorales mouraient parce qu’elles étaient incapables de pratiquer l’autophagie. Nous avons ensuite découvert que l’enzyme LDHB contrôle les lysosomes (vésicules dans la cellule) et produit l’acidité nécessaire pour digérer les constituants de la cellule qui ne sont pas indispensables lorsque la cellule est affamée ».

Traitement ciblé

« Quand nous avons bloqué l’enzyme LDHB, nous avons tué les cellules tumorales, mais pas les cellules saines », relate le chercheur. Or, en cancérologie, c’est précisément ce que l’on recherche : des traitements ciblés. L’avantage est que l’on s’attend à ce que ce traitement présente très peu d’effets secondaires ».

La chloroquine et ses inconvénients

D’autres chercheurs avaient déjà essayé de bloquer l’autophagie dans les cellules cancéreuses. Pour ce faire, ils avaient utilisé une molécule appelée chloroquine, qui avait des effets positifs sur les animaux de laboratoire, mais qui présentait toutefois des inconvénients majeurs. « D’une part, la chloroquine peut provoquer des effets secondaires imprévisibles. D’autre part, elle est dans le domaine public et reçoit donc peu d’intérêt de la part d’investisseurs privés », commente Pierre Sonveaux.

Sur la voie d’un autre médicament

Les chercheurs louvanistes ont trouvé une belle alternative. « En bloquant cette enzyme LDHB, nous avons été jusqu’à ralentir la croissance de cancers humains (col de l’utérus et côlon) chez la souris. Nous avons commencé à développer un prototype de médicament qui cible l’enzyme LDHB. C’est le sujet de doctorat d’un étudiant qui commencera à plancher sur ce projet dès le mois d’octobre, et ce, pendant quatre ans ».

Pas pour demain…

Le Pr Sonveaux se réjouit du fait que la recherche contre le cancer avance, même si  la route est encore longue. « Une fois que nous aurons la molécule adéquate, il faudra effectuer des tests sur un grand nombre d’animaux et vérifier si les effets obtenus sont significatifs. Cela nécessitera encore 6 à 8 ans, avant de pouvoir commencer les essais cliniques chez l’homme. Donc, ce n’est pas encore pour demain… »

Source : Brisson et al., Lactate dehydrogenase B controls lysosome activity and autophagy in cancer, Cancer Cell septembre 2016 Vol 30, Issue 3, p418–43.

Vidéo : Découvrez également le travail du Pr Sonveaux sur les métastases